Annelise Ragno   Du 24/01/2013 au 08/02/2013

Epouser l’attente

Eloge de l’attente

Il fut un temps où le travail vidéo d’Annelise Ragno s’inquiétait de la question du mouvement. Elle s’était alors saisie de différentes situations, volontiers sportives, dont elle captait la dynamique dans toutes sortes de cadrages et de séquences qui n’en livraient jamais pleinement l’activité mais en déclinaient le geste. Quelque chose y était à l’œuvre qui interrogeait le regard en le renvoyant à la problématique de l’énigme et du fragment dans des pièces en boucle expressément brèves. Ce faisant, il y allait de la volonté de quêter après une forme d’essentialité.

Ses récents travaux partagent une autre préoccupation, celle de rendre compte de l’idée de l’attente. Du moins sont-ils fondés sur un rapport au temps qui exclut toute mesure dynamique en mettant l’accent sur les notions de lenteur, d’incertitude, voire de vide ou de mise en abîme. Vidéo, photographie et dessin sont alors autant de procédures qui permettent à l’artiste de traduire chacune de celles-ci en fonction du motif abordé. Ici, la caméra de l’artiste s’attarde en plan fixe sur le goutte-à-goutte d’une stalactite pour mieux mesurer l’interminable durée qui participe à donner forme à tout un monde de géographies improbables. Là, les photographies qu’elle a faites de certaines concrétions invitent le regard à la découverte de paysages d’un temps et d’une nature insondables. Là encore, les gaufrages au nom inversé de Bataille qu’elle a réalisés sur la pierre tombale même de l’écrivain renvoient le regardeur à l’exercice d’un déchiffrement et d’une lecture mémorable. Là enfin, l’homme qu’elle filme sur fond d’un horizon résolument plat et qui paraît dessiner dans l’espace on ne sait quels mystérieux signes plus ou moins chiffrés ne nous dévoile rien d’emblée du sens qu’il faut leur prêter.

Les images d’Annelise Ragno ici rassemblées font toutes en somme l’éloge de l’attente. Si elles ne se livrent pas à première vue, c’est que rien n’est jamais donné à voir dans l’immédiat du regard. Ce n’est pas qu’elles refusent de se dire mais elles exigent de celui qui les découvre qu’il prenne son temps. Qu’il leur donne son temps. La démarche contribue ainsi à nous rappeler que toute œuvre procède d’un temps réfléchi et qu’elle s’informe dans l’étendue de ce temps-là. En amont, au regard de la lente maturation de l’idée que l’artiste a en tête et des possibles conditions de sa réalisation ; en aval, dans la force prospective et durable de la mémoire à faire trace. Dans cet entre-deux, l’attente de l’œuvre est l’occasion pour le regard de se laisser aller à la découverte de tout un monde d’indices qui fondent l’art d’Annelise Ragno et qui nous parlent de la vie, de la mort et de l’autre, voire nous renvoient à nous-mêmes.

Philippe Piguet

Oeuvres sélectionnées

Biographie

Annelise Ragno est née en 1982, elle vit et travaille à Dijon.
2006
Diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure d’Art de Dijon avec les félicitations du jury

Expositions collectives, résidences, prix
2012
Présentation et signature du catalogue Comme on déchire un drap, No Found Photo Fair,  Paris
Prix de la Fondation Zervos et exposition Comme on déchire un drap, Fondation Zervos
Réalités ordinaires, Frac Haute Normandie, Sotteville-lès-Rouen
2011
Résidence d’artiste Fondation Zervos, La Goulotte, Vézelay
One +one, Musée des beaux arts, Dijon
Parcours formes olympiques, Lam, Villeneuve d’Asq
Le beau est toujours bizarre, commissariat Philippe Piguet, Frac Haute Normandie, Sotteville-lès-Rouen
2010
Rencontres, Konstfrämjandet Bergslagenlänk, Orebro, Suède
2009
Slick, Paris
Ce que j’ai sous les yeux, Musée d’art et d’histoire, Collection du Conseil Général, Seine Saint-Denis
2008
Les Instants Chavirés, Montreuil
Mois de l’Image, Musée des Beaux Arts, Ho Chi Minh Ville, Vietnam
2007
Prix de la Jeune Création, Mulhouse

Elle est présentée par Philippe Piguet, membre du comité artistique.