Cédric Guillermo Du 19/09/2013 au 04/10/2013
A la soupe
Il est des contradictions dans nos campagnes. De celles qui font aimer les boîtes de conserve et les soupes en sachet à certains habitants ruraux âgés, fiers de consommer moderne et productif. Il est des contradictions dans nos villes. De celles qui déculpabilisent de jeunes urbains allant chercher un panier de légumes bio pour y trouver un ersatz de retour à la terre.
Notre nourriture est connectée à la terre, au ciel, aux gens, aux machines, à des savoir-faire, mais ses consommateurs en sont parfois déconnectés.
C’est l’histoire qu’évoque le travail de Cédric Guillermo. Lorsque l’homme manipule la nature et compose sa nouvelle cuisine un peu folle, l’artiste compose en retour un cabinet de curiosités. Aux côtés d’étranges tubercules et de machines improbables, l’accrochage des dessins forme un cabinet graphique qui se remplit d’objets et d’organismes étonnants, hybrides, parfois monstrueux. Ainsi, une lampe de bureau déploie sous nos yeux son potentiel ludique jusqu’au ridicule.
Mêlant sueur du travail physique et outils de production, Cédric Guillermo fait ses dessins à la main et les passe ensuite au traitement numérique pour unifier le trait. Ce traitement graphique redonne aux objets un peu de leur ligne de production industrielle. Les recherches de couleurs ajoutées au pinceau amènent tour à tour de la beauté, de l’étrangeté ou encore du kitsch.
Lorsque l’homme se perd dans l’accélération du temps présent, l’artiste prend du recul et cherche du côté des modes de vie paysans passés, à travers la petite histoire, celle des gens, dans leur intimité, leur spécificité. Fils d’agriculteur, Cédric Guillermo sait de quoi il parle, il est pétri des valeurs du monde agricole et les revendique dans une mythologie individuelle* teintée d’humour et d’ironie.
La pomme de terre est élevée en « guest star » de cette exposition, comme en témoigne la collection d’assiettes qui vous accueillent à l’entrée. Ingrédient de base de toutes les bonnes soupes qui tiennent au corps, elle fait le lien entre le champ, le tracteur et la cuisine, traversant les générations. Outre que la patate a été ramenée d’un pays exotique paraît-il par Parmentier, elle continue de voyager de la terre à l’assiette, et de nous conter ici un univers coloré. Cédric Guillermo rejoue l’intérieur paysan avec un décalage qui questionne les évolutions qu’il a subit : modernisation, urbanisation, artificialisation. Sans regard passéiste, l’artiste convoque savoir-faire traditionnels et pratiques modernes avec poésie et humour.
Parfois, le dessin devient réalité. Cédric Guillermo est suffisamment bricoleur pour donner vie à ses créations. Les objets sont détournés avec ironie. Le visiteur est appelé à participer à cette entreprise folle, en activant les machines.
Découpez en cube la simplicité des objets familiers de la cuisine rurale. Ajoutez un soupçon de beauté de l’outil traditionnel. Faites cuire à petit feu la fascination pour l’efficacité, l’énormité et la complexité des machines agricoles. Assaisonnez de valeurs chères à l’artiste. Saupoudrez d’ironie les modes de production industrielle. Passez le tout au mixeur de l’art.
Bon appétit !
Priscille Magon
* Concept développé dans la section « Individuelle Mythologien » de la Documenta 5, commissariat de Harald Szeemann, 1972.
Oeuvres sélectionnées
Biographie
Cédric Guillermo est né à Vannes en 1986, il vit et travaille entre la Bretagne et Paris.
Formation
2010 Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris – section Art et Espace – mention très bien.
2008 Ecole Supérieure d’Arts de Lorient – Diplôme National d’Arts Plastiques – admis avec félicitations.
Expositions collectives
2012 L’art dans les chapelles – résidence en milieu scolaire au collège Mathurin Martin – Lit-Clos ( Baud – 56 ).
2012 CENTQUATRE ( Paris 75 ) – L’Endroit et L’Envers.
2011 Création de L’écurie, atelier d’expérimentations plastiques, ouvert et partagé.
Bourses
2011 Aide à l’installation – DRAC Bretagne.
2009 Lauréat de la Fondation Odon Vallet.
Il a été présenté à Premier Regard par Anne Ferrer, membre du comité artistique.